Paris, Capitale de la perle
Du milieu du XIXème siècle à la fin de l’époque art-déco (Vers 1930), Paris a été le centre névralgique d’une « Perlomanie », aussi bien dans les arts décoratifs, que dans les opéras, la couture et bien entendu la joaillerie.
C'est l'histoire oubliée d'une incroyable aventure artistique, commerciale et humaine que nous dévoile l’exposition « Paris, Capitale de la Perle » à l’Ecole des Arts Joailliers.
Les perles, péchées dans le golfe Arabo-Persique depuis l’antiquité sont de plus en plus recherchées à partir des années 1900, poussée par la forte demande d’une clientèle occidentale et par les plus grandes maisons joaillières de la Rue de la Paix ou de la Place Vendôme : Cartier, LaCloche, Mellerio, les frères Paul et Henri Vever, René Lalique ou Georges Fouquet.
Devant de corsage par Henri Vever, perles du Mississippi, diamants, émail, or et argent
En effet, la perle et ses mythes étaient étroitement associés au courant orientaliste très en vogue dès le début du XIXème siècle.
Ce commerce illustré par bon nombre d’archives fera la fortune et la notoriété de grands personnages tels les frères Rosenthal, les tous premiers marchands de perles parisiens à s'être rendus à Bahrein, et qui régneront sans partage sur la région pendant une décennie. Suivra, dès 1912, le joaillier Jacques Cartier qui décide à son tour de se rendre dans le Golfe où il sera accueilli en véritable dignitaire. Après la Première Guerre mondiale, ce sera au tour de nouveaux marchands comme Jacques Bienenfeld ou Mohamedali Zainal Alireza de se retrouver à la tête de véritables empires commerciaux.
Les rois de la perle :
Rosenthal
Léonard Rosenthal (1874-1955), d'origine russe, s'installe à Paris en 1889. Après des études à l'école commerciale, il travaille brièvement pour la cristallerie Baccarat. Fréquentant assidûment les salles de vente, il y acquiert une expérience précieuse et établit ses premiers contacts, tout en se lançant dans le commerce des perles fines. En 1899, il fonde Rosenthal & Frères, lorsque sa famille le rejoint à Paris. L'entreprise se spécialise alors dans le négoce des pierres précieuses, en particulier des perles fines à partir de 1896. Contrairement à sa légende, Léonard Rosenthal n'était pas un grand voyageur. Il délègue à ses frères la mission de se rendre au Venezuela en 1901, afin d'acquérir directement les fameuses perles des Caraïbes de l'île de Margarita, réputée en Europe pour ses nombreux bancs d'huîtres perlières. Ils y séjournent environ quatre ans, assurant l'approvisionnement de la maison parisienne. Ce n'est qu'en 1906 que Madame Nattan le charge de se rendre dans le Golfe Persique, afin d'en rapporter les plus belles perles du monde, dont la réputation surpassait celles d'Amérique Latine. C'est lors de cette mission qu'il gagne son surnom de « Roi de la Perle ».
En raison de leur confession juive, les Rosenthal sont victimes des persécutions nazies dans les années 1940. Léonard Rosenthal parvient à fuir la France en passant par l'Espagne, le Portugal, puis le Brésil, avant de s'installer à New York en 1941. Ironie du sort, c'est en se lançant dans le commerce des perles de culture, dont il avait tenté d'interdire la vente en France, qu'il reconstitua une partie de sa fortune aux États-Unis.
Collier de Lady Wolverton par Frédéric Boucheron, perles fines, diamants, or et argent, circa 1896-1902
Bienenfeld
Jacques Bienenfeld (1875-1933), marchand d'origine austro-hongroise (actuelle Ukraine) et contemporain de Rosenthal, arrive également à Paris en 1889. Initialement spécialisé dans le commerce de bijoux d'occasion, il développe son activité, selon la légende, après l'acquisition des bijoux d'un roi africain. Progressivement, il se tourne vers le commerce des perles fines, s'entourant d'experts en biologie et en écologie ostréicole, avant de devenir lui-même un spécialiste et de fonder sa propre boutique rue Lafayette en 1914. Parmi les nombreux négociants établis dans cette rue prestigieuse, il se distingue particulièrement. Son activité prospère durant l'époque de la « Perlomanie », le conduisant rapidement à acquérir son propre immeuble et à être surnommé « l'autre roi de la perle » ou « le grand Jacques Bienenfeld ».
Collier de perles fines, diamants, or et argent, 1890
Cartier
Au sein de la fratrie Cartier, Jacques, depuis sa boutique londonienne, fut celui qui s'intéressa le plus aux perles. C'est en 1911, à l'occasion du couronnement du couple royal britannique en tant qu'empereur des Indes, qu'il se rend pour la première fois dans ce pays. Lors de ce voyage inaugural, il a l'opportunité de recevoir des commandes de nombreux princes indiens pour la création de bijoux de style occidental. Toutefois, c'est lors d'un second voyage en Orient, entre 1912 et 1913, qu'il s'immerge véritablement dans le commerce des perles. Autour du Golfe, il commence notamment à établir des liens commerciaux avec des marchands de Bahreïn et de Dubaï. Il négocie directement avec le sultan d'Oman et le cheikh de Dubaï, qui, tous deux, lui ouvrent de nombreuses portes.
Ainsi des routes terrestres, maritimes puis aériennes ont été ouvertes et le négoce de la perle a été à l'origine d'un essor économique sans précédent.
Broche Draperie par Cartier, perle de conque rose, perles fines, diamants et platines, 1913-1923
Un petit rappel sur les perles ...
Historiquement, et conformément aux normes internationales et à la législation française, le terme « perle », employé seul en joaillerie, désigne une perle fine ou naturelle. Ces perles sont ainsi qualifiées pour souligner leur formation sans intervention humaine. Cependant, cette distinction n'a pris son essor en France qu'à partir des années 1920, avec l'arrivée progressive des perles de culture sur le marché parisien.
Bien que tous les mollusques à coquille soient capables de produire des perles, leur qualité varie en fonction de l'espèce, ainsi que des conditions de température, de salinité et de nutrition de l'animal. Les plus belles perles utilisées en joaillerie proviennent généralement d'huîtres marines des régions chaudes, situées de part et d'autre de l'équateur.
Les causes exactes de la formation des perles demeurent partiellement obscures (virus, bactéries ?), mais il est établi que toute perle résulte du déplacement de cellules épithéliales sécrétant la coquille à l'intérieur du tissu conjonctif du manteau du mollusque.
La Perle et les Arts :
La Musique : Opéra de Georges Bizet
Les Pêcheurs de Perles est un Opéra de George Bizet pour la première fois représenté en 1863.Le livret de l’œuvre, écrit par Eugène Cormon et Michel Carré, parle d’un triangle amoureux au sein d’un village de pêcheurs de perles sur l’ile de Ceylan. Du vivant du compositeur seulement une vingtaine de représentations en sont donné. Ce n’est que plus tard, à partir de 1893, et après avoir perdu les partitions originales, que l’œuvre connaitra peu à peu le succès.
La Mode :
Jeanne Lanvin & Coco Chanel
Dans le milieu parisien du commerce de la perle, Jeanne Lanvin (1867-1946) incarne l'élégance à la mode. Figure emblématique de son époque, au même titre que Gabrielle Chanel ou Jeanne Toussaint, « Mademoiselle » Jeanne, comme on la surnomme, a profondément marqué l'esthétique de son temps. Ayant débuté comme chapelière à l'âge de treize ans, elle acquit rapidement une solide réputation et aspire à ouvrir sa propre boutique, ce qu'elle fit en 1890. Célèbre pour son emblématique collier à trois rangs de perles fines, qu'elle portait constamment, elle contribua à la révolution de la silhouette parisienne en habillant aussi bien les femmes que les enfants.
Portrait de Jeanne Lanvin par Clémentine-Hélène Dufau, 1925
La Joaillerie Perlière :
Les Perles et l’Art-Nouveau
Au début du XXe siècle, l'engouement pour les perles parmi les grandes maisons de joaillerie de la rue de la Paix et de la place Vendôme (Vever, Lalique, Mellerio, Lacloche, Fouquet …) ne cesse de croître. La perle, associée au platine ou à l'or jaune, ainsi qu'aux diamants et à l'émail, se décline en tiares, bracelets, boucles d'oreilles et colliers. Perles baroques, perles rondes, perles rosées ou blanches, l'attrait pour les perles du Golfe est intense, malgré la présence de quelques perles d'eau douce provenant du Mississippi. À partir des années 1910-1920, la demande de perles explose aux États-Unis, entraînant une flambée des prix. Ainsi, Pierre Cartier (frère de Jacques) échangea un collier de deux rangs de 65 et 73 perles contre son nouvel hôtel particulier new-yorkais de la 5e Avenue, qui abrite encore aujourd'hui la boutique Cartier de New York.
Les Perles et l’Art-Déco
L'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, qui s'est tenue à Paris en 1925, a contribué à intensifier la "perlomanie" qui régnait alors dans la capitale. Bien que l'arrivée des perles de culture japonaises ait pu sembler annoncer la fin de la domination parisienne sur le marché des perles, la demande pour les perles fines demeure soutenue, tandis que l'offre se raréfie. Par ailleurs, les conditions de travail difficiles des pêcheurs étant de plus en plus dénoncées, le déclin de Paris s'est surtout accentué avec la crise de 1929, et a été achevé par la Seconde Guerre mondiale.
L’arrivée des perles de cultures
Alors que le marché de la perle connaissait une croissance explosive et que la « perlomanie » atteignait son apogée, l'introduction des perles de culture par le Japonais Kokichi Mikimoto lors de l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 bouleverse le marché parisien. Des figures telles que Rosenthal et Bienenfeld mènent la fronde des marchands parisiens, cherchant à interdire ou à réglementer le commerce de ces « imitations » selon leurs dires. À la fin des années 1920, ce conflit d'intérêts conduit notamment à la création du Laboratoire Français de Gemmologie (LFG), afin d'établir un organisme de contrôle des perles.
La guerre contraint les négociants français à abandonner le commerce des perles du Golfe et à se tourner vers les perles de culture. Pour préserver les perles noires de Tahiti, des fermes perlières sont établies grâce à une collaboration franco-japonaise. Cette période marque une augmentation de la popularité des perles de culture et le déclin du commerce des perles fines à Paris.
Mikimoto et les perles de cultures :
Kokichi Mikimoto est un japonais née à la fin du XIXe siècle. Fils d'un modeste restaurateur de nouilles de la ville côtière de Toba, il a très jeune été fasciné par le monde des perles.
Face à la raréfaction des perles fines et à leur qualité souvent médiocre, il se lança dans un projet ambitieux : forcer les huîtres à produire des perles de qualité supérieure. Après des années d'échecs et au bord de la faillite, il parvint enfin en 1893 à créer ses premières perles de culture, bien que sous forme de demi-sphères seulement (les perles mabé).
Ce n'est qu'après des années supplémentaires de recherche qu'il réussit à obtenir des perles parfaitement rondes, marquant ainsi le début d'une nouvelle ère pour la joaillerie mondiale. Son rêve ? "Orner de perles le cou de toutes les femmes du monde" – un objectif qu'il a sans doute largement atteint, puisque la méthode qu'il a perfectionnée est encore utilisée aujourd'hui.
LA FIN D’UNE EPOQUE
Bien que l'arrivée massive des perles de culture japonaises ait joué un rôle significatif, elle n'explique pas à elle seule la fin du commerce de perles dans le golfe. En effet, la surexploitation des bancs d'huîtres dans le Golfe Arabo-Persique ainsi que le Krach Boursier de 1929, qui a entraîné une chute de la demande pour les produits de luxe, sont autant d’autres raisons. En l’espace de quelques années, c’est près de 70 % du marché oriental de la perle qui s'effondre.
Les zones de pêches sont désormais très protégées et contrôlées : seule une infime quantité de « nouvelles » perles fines vient alimenter un marché essentiellement nourri par les collections familiales et les perles desserties de bijoux anciens. À Paris comme dans le reste du monde, la perle fine continue toutefois d'inspirer l'élite joaillière.
Broche Canard par Cartier, soufflure de perle, émeraudes, saphir, diamant, corail, or et platine, 1953
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